Dans notre article précédent, nous vous avons présenté les trois gunas dans le monde du yoga et expliqué leur rôle dans l'univers et le vivant. Nous savons qu'ils sont trois : Sattva, rajas et tamas. Si vous découvrez les gunas avec cet article, nous vous suggérons de faire connaissance avec « Les trois gunas : l'univers des gunas » avant de découvrir plus précisément chacun d'entre eux. Vous pourrez ainsi mieux comprendre leurs importances dans l'architecture du vivant et pourquoi ses trois énergies sont fondamentales et consubstantielles à la vie dans la vision du Samkhaya, l'école philosophique hindoue que l'on retrouve dans les textes millénaires éponymes.
Les trois gunas et le Samkhaya
Les gunas représentent les trois énergies principales présentes en nous dont le dosage est unique et varie tout au long de l'existence.
Le fait de parler de trois énergies peut nous faire penser à la trinité hindoue : Shiva pour Tamas, Vishnu et Braham pour Rajas et, enfin, Sattva pour Vishnu. A l'instar de cette trinité, les gunas ne sont ni négatifs, ni positifs, mais nécessaires. Ils sont simplement indispensables à la vie. Il est évidemment toujours question d'équilibre et de penser le monde comme un yogi qui se destine à l'éveil. Plus humblement, le fait de trouver un bon équilibre permet de trouver l'apaisement des émotions et la quiétude nécessaire pour avancer dans la vie en harmonie avec soi, les autres et l'univers. Les trois gunas sont aussi essentiels pour comprendre la santé, selon les préceptes de l'ayurveda. Nous avons tous notre propre alchimie et un gunas dominant. Ce qui est toujours rassurant dans la philosophie du yoga, c'est que nous pouvons toujours avancer, travailler, chercher et apprendre, car rien n'est immuable, rien n'est intangible puisque nous devons dépasser nos désirs pour atteindre et libérer Purusha, la conscience pure. Le sage est celui qui transcende les trois gunas pour atteindre l'éveil.
Les Gunas évoluent avec vous
Ces trois énergies sont sensibles à nos émotions, à nos expériences positives ou négatives, à nos actes... Les gunas vont évoluer tout au long de notre chemin, de nos premiers pas à notre dernier souffle. Ils seront comme le vent dans les voiles d'un esquif. La force créatrice, la force tranquille qui permet de durer et la force de destruction. Évidemment, notre gunas prédominant va s'imposer. Toute forme d’excès dans le yoga est nuisible au développement. C'est pour cette raison que ce triptyque énergétique existe. La création a besoin de la destruction, car n'oublions pas que dans le yoga la destruction, c'est un nouveau départ, pas une fin. Nous allons maintenant vous présenter les trois qualités des gunas.
Tamas : L’énergie de destruction
C'est peut-être la plus difficile à concevoir pour un regard occidental. Quand, un spécialiste vous explique que votre gunas dominant est tamas, cela peut susciter de l'inconfort, mais pourtant Tamas est aussi indispensable que les deux autres même si son essence semble moins attirante que Rajas ou Sattiva. Tamas en sanskrit signifie « Ténébreuse, obscurité ». C'est l'ignorance et tout ce qui est bloqué en nous. C'est l'inertie, ce qui n'avance pas. C'est une description qui est lourde de sens. Pourtant, l'inertie, c'est aussi la stabilité et cet ancrage que nous cherchons avec patience en pratiquant nos asanas. La destruction est vue comme la fin de toute chose, mais rappelez-vous les cours de sciences et cette célèbre phrase d'Antoine de Lavoisier « Rien ne se perd, rien ne se crée : tout se transforme ».
Tamas, c'est cela : la destruction qui permet d'aller vers le nouveau et le neuf. Sans Tamas, comment pourrions-nous prétendre à l'éveil ?
Tamas est une énergie qui se nourrit de la violence physique et mentale envers soi et les autres. Et quand elle devient prédominante, elle conduit à un état dépressif, au renoncement à cheminer, au refus de progresser. C'est comme un ancrage qui se fige lourdement et pesamment, empêchant le mouvement des autres parties du corps, mais aussi du mental et de son éveil.
Pourtant, Tamas, c'est notre base et notre socle : repensez à la fleur sacrée de lotus qui traverse la terre, la boue, la vase avant de découvrir le ciel et profiter des rayons du soleil. Pour y parvenir, elle a besoin de Tamas, mais si elle n'évolue pas et reste dans l'emprise de cette énergie, elle pourrira sans voir le ciel.
Rajas : l'énergie de création
C'est le pendant de Tamas, Rajas. Le gunas Rajas, c'est la créativité, le désir, l'envie de faire, la passion... On pourrait dire que c'est l'énergie de vie et la réponse à la question existentielle : Pourquoi la vie ». On parle d'instinct de survie, on cherche pourquoi le vivant finit toujours par s'imposer quand une fleur déchire le macadam, un arbre pousse au milieu d'une falaise ou que le monde animal reprend le pouvoir dans la zone rouge de Tchernobyl... Pour un adepte de Samkhaya, c'est parce que l’énergie rajas est une force de vie qui est. Là encore, même Rajas en excès peut devenir une source de troubles physiques et mentaux. Vous connaissez peut-être des personnes qui sont hyper-actives, prises dans un mouvement perpétuel qui fait que la plus brillante de leurs idées se termine en passade avant qu'une autre jaillisse. Les plus expérimentés vont leur montrer comment se canaliser afin de s'ancrer, Tamas, pour parfaire leurs desseins. Une prédominance de Rajas entraîne une suractivité qui va empêcher la concentration et donc la compréhension qui, dans le yoga, est une nécessite pour avancer dans la spiritualité. On revient à Tamas qui permet de stabiliser et bien équilibrer permet de profiter de l'énergie Rajas pour avancer dans la quiétude, mais avec joie et passion.
Sattva : l'énergie de pureté
On pourrait dire que Sattva est notre part d'énergie universelle. C'est la lumière pure, intense et rayonnante qui trouvera toute sa place quand l'équilibre entre Rajas et Tamas sera trouvé. Sattva est en chacun de nous et si nous voulions vulgariser toute la philosophie du yoga, on pourrait dire que tout ce que l'on fait, du yoga postural à la méditation sans oublier l'ayurvéda, comme le régime sattvique, dans cette philosophie, c'est pour se fondre dans Sattva. Ce qui peut être émouvant et qui a un sens que l'on pourrait méditer, c'est que Sattva n'est pas un guna qui existe par-delà nous, mais qui est là, déjà, et qui demande « simplement » à être développé. Tout le monde à sa petite ou sa grande dose de Sattva qui rappelle ce Moi universel dont nous parle le yoga.